L’hymne national a retenti à l’Assemblée nationale dans la nuit de mercredi à jeudi. Il n’y avait pas de cérémonie officielle. Mais les députés de la 6e législature venaient d’acter les réformes constitutionnelles et institutionnelles tant réclamées par l’opposition togolaise et une bonne partie des partisans du pouvoir. Votée à l’unanimité, la réforme limite à 2 le mandat présidentiel dont la durée est maintenue à 5 ans. Les mandats des députés, des membres de la Cour constitutionnelle, du sénat sont aussi limités. Il existe désormais dans la loi fondamentale une trame de statut pour les anciens présidents de la République ainsi que d’autres avancées. Pris de joie, l’ensemble des députés et les commissaires du gouvernement se mettent debout, chantent à l’unisson l’hymne national et de tirer sur les cordes vocales vers la fin « Togolais vient, bâtissons la cité ! ». Sous le coup de l’émotion, Yawa Tségan, Bayadowa Boukpessi, Christian Trimua rendent grâce à Dieu, saluant une énorme avancée pour le Togo. Retour sur une journée historique à l’hémicycle togolais.
Les choses ont pourtant mal commencé et les débats en Commission des lois lors de l’étude particulière des 29 articles concernés par la réforme constitutionnelle avaient ameuté les togolais mais aussi les partenaires du Togo. La trouvaille portant sur le septennat renouvelable une fois en ce qui concerne le mandat présidentiel a failli tout gâcher.
La pédagogie de la minorité et l’ouverture de la majorité
Les partis de l’opposition présents à l’Assemblée nationale, même minoritaires, ont avancé plusieurs arguments pour convaincre les commissaires du gouvernement et les députés de la majorité à se départir de l’idée du septennat pour ne s’en tenir qu’à ce qui existe dans la constitution en vigueur. Agbeyomé Kodjo, Gerry Taama, Sena Alipui ont insisté sur l’inopportunité d’un tel amendement et les éventuelles conséquences fâcheuses qu’il peut induire.
Au vu des divergences, le groupe parlementaire UNIR (majorité) a demandé une suspension pour une concertation. A l’issue, son président Aklesso Atchole a demandé de maintenir la durée du mandat présidentiel à 5 ans. Le député Pacôme Adjourouvi va également retirer son amendement qui introduisait le septennat.
Cette ouverture de la majorité a permis d’évoluer et de soumettre la réforme au vote. 90 députés sur 91 inscrits ont voté à l’unanimité la révision. Ainsi donc, les articles 13, 52, 54, 55, 59, 60, 65, 75, 94, 100, 101, 104, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 115, 116, 117, 120, 125, 127, 128, 141, 145, 155 et 158 de la Constitution du 14 octobre 1992 sont modifiés.
La modification consacre une limitation à 2 mandats de 5 ans pour le Président de la République, à 3 mandats de 6 ans pour ceux des députés et des sénateurs, à 2 mandats de 6 ans pour les membres de la Cour constitutionnelle. La trame du futur statut des anciens chefs de l’Etat se lit dans l’article 75 nouveau. Mais il convient de noter qu’aucune de ces dispositions n’est rétroactive.
Les députés de la 6e législature n’ont pas caché leur joie. On a pu noter des accolades entre les députés de la majorité et ceux de la minorité et également avec des députés non-inscrits. Des scènes tout à fait inimaginables et surréalistes dans le landerneau politique togolais au vu des déchirements et des querelles politiques continus.
« Nous l’avons fait », lâche Gerry Taama. « C’est en plus à l’unanimité », se satisfait Agbeyome Kodjo. « L’histoire le retiendra et nous allons enfin développer notre pays », se soulage un député UNIR.
Aboutissement historique des réformes constitutionnelles
« Voici, oh! qu’il est agréable, qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble! », s’est exclamée la Présidente de l’Assemblée nationale qui lit l’intégralité du Psaume 133 de la Bible.
Du côté des commissaires du gouvernement, c’est le ministre de l’administration territoriale, Payadowa Boukpessi qui s’exprime en premier notant que les députés de la 6e législature ont marqué définitivement leur passage à l’hémicycle.
« Il y a des jours spéciaux dans la vie des êtres et des institutions que Dieu a choisis pour marquer son existence au milieu des hommes. Ce 8 mai est un jour choisi par Dieu pour la réalisation du destin que Dieu lui-même a voulu pour le Togo », a-t-il dit tout en relevant les difficultés connues de par le passé au sujet de l’adoption des réformes constitutionnelles.
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Pour le ministre en charge des relations avec les institutions de la République, Christian Trimua, Moïse a conduit à l’orée de la terre promise mais Josué l’a conquise.
« De nombreuses législatures, des partis politiques ont provoqué la discussion, ont contribué à leur façon à l’avancement des idées sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles. Mais l’histoire retiendra que c’est la 6e législature, tel Josué, qui les a concrétisées… », a affirmé le ministre qui se réjouit de la rénovation des institutions et le renforcement de la démocratie.
Pour la Présidente de l’Assemblée nationale, la révision constitutionnelle a pour vocation de renforcer la légitimité des institutions de la République. Yawa Tsegan a salué les avancées obtenues dans les choix audacieux des reformes qui ont finalement abouti.
« Il était donc nécessaire de procéder à la modernisation de nos institutions et nous l’avons fait avec le souci constant de l’intérêt général. Si tel est le cas, nous pouvons dire avec audace que la véritable sagesse, celle qui guérit les maux et assure la paix, consiste à préférer l’utile à l’éclat contextuel et non structurel », a-t-elle ajouté
Mme Tsegan a indiqué, pour finir, que les députés togolais sont désormais engagés d’aller de concert s’ils veulent conquérir un avenir meilleur qui justifiera des efforts et des changements engagés par l’Assemblée nationale pour les générations à venir.