Jeudi, la capitale togolaise a connu quelques tensions. Malgré l’interdiction formelle des autorités, des citoyens ont bravé les restrictions pour participer à la première journée d’un mouvement de contestation populaire prévu du 26 au 28 juin. À l’appel d’un collectif de blogueurs et d’influenceurs dénonçant la mauvaise gouvernance, plusieurs quartiers stratégiques de Lomé ont été le théâtre de scènes de dispersion.
Les premiers heurts ont éclaté en fin de matinée dans le quartier de Bè-Kpota, entre le rond-point Cimetière et la clôture de l’aéroport. Une patrouille de police est intervenue pour disperser un groupe de jeunes rassemblés à l’appel de la mobilisation. Gaz lacrymogènes, poursuites à pied et forte présence policière ont rapidement transformé les lieux en zone sous tension, a constaté un journaliste de Togobreakingnews.info habitant dans la zone.
Pas très loin de là, à Attiegou, des courses-poursuites sont également signalées entre des manifestants et des forces de l’ordre qui les ont dispersés.
À la Colombe de la Paix, un autre point de ralliement symbolique, le scénario s’est répété. Des manifestants, désireux de converger vers le siège de l’Assemblée nationale, ont été interceptés par les forces de sécurité. D’autres foyers de tension ont été signalés à Akodessewa, Bè-Aklassou et aux abords de Colombe, où la police a procédé à des dispersions préventives.
Le dispositif sécuritaire mis en place est impressionnant. Des barrages policiers ont été installés à Atikoumé, Tokoin-Habitat, Adidogomé, Agbalépedo et d’autres axes majeurs de la capitale. Si aucun affrontement majeur n’a été officiellement confirmé, l’ambiance générale reste tendue, marquée par une circulation ralentie, une forte présence sécuritaire, et une population en retrait.
De nombreux commerces et boutiques de quartiers sont restés fermés, notamment dans les marchés d’Assiganmé et de Bè, où les commerçants ont préféré garder portes closes, redoutant de possibles débordements. « On ne sait jamais, il suffit d’un rien pour que ça dégénère », glisse une commerçante croisée à Tokoin.
Un droit à manifester sous tensions
Le gouvernement togolais, via ses ministères de l’Intérieur et de la Sécurité, avait prévenu : aucune manifestation non déclarée ne serait tolérée. La mobilisation actuelle, initiée sur les réseaux sociaux, échappe aux circuits traditionnels de la société civile organisée et prend de court les autorités. Le ministre Gilbert Bawara a récemment mis en garde contre toute tentative de déstabilisation orchestrée depuis l’étranger, appelant les citoyens à ne pas céder « aux appels à la désobéissance venus des capitales étrangères ».
Mais sur le terrain, des manifestants assurent vouloir faire entendre leur voix sans violence. « On veut juste dire que ce pays nous appartient aussi », confie un jeune homme rencontré à Bè, avant de disparaître dans une ruelle à l’approche d’un pick-up des forces de l’ordre.
Ces manifestations, bien qu’interdites, témoignent d’un malaise profond dans une frange de la population togolaise, notamment la jeunesse urbaine, qui réclame plus de transparence, d’inclusion et d’opportunités. Le choix d’une contestation numérique, largement relayée sur TikTok, WhatsApp et X (ex-Twitter), rend leur encadrement plus difficile pour les autorités.
Les prochaines heures seront décisives. Les initiateurs appellent à poursuivre les manifestations jusqu’au samedi 28 juin. D’ici là, le gouvernement joue la carte de la fermeté, tandis que les citoyens oscillent entre peur, résignation et volonté d’expression. Une équation délicate dans un pays où le droit à manifester, bien que constitutionnel, reste fortement encadré.
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