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Claudius Fischbach : ‘Peut-être parce qu’ils estiment que ces élections ne changeront rien’

Didier ASSOGBA
5 Min Read
Dr Claudius Fischbach, ambassadeur d'Allemagne au Togo

À l’occasion d’une réception marquant le 35ᵉ anniversaire de la réunification allemande, l’ambassadeur d’Allemagne au Togo, Claudius Fischbach, a livré un message diplomatique à double tranchant. Une reconnaissance solennelle du partenariat avec Lomé, mais aussi une mise en garde discrète sur l’avenir de la démocratie locale.

Devant une assemblée composée de membres du gouvernement togolais, de diplomates étrangers, de représentants de la société civile et d’hommes d’affaires, Fischbach n’a pas mâché ses mots. Alors que les festivités autour de l’unité nationale allemande devaient être une simple célébration, le ton s’est fait plus sérieux lorsqu’il a abordé les résultats des élections municipales du 17 juillet dernier. En effet, dans certaines communes, une large majorité d’électeurs s’est abstenue de voter.

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« Environ 84 % des électeurs ne se sont pas rendus aux urnes dans la commune du Golfe 4, qui abrite notre ambassade », a souligné Claudius Fischbach, citant un chiffre frappant. « Peut-être parce qu’ils estiment que ces élections ne changeront rien. Ce constat nous préoccupe. »

Un investissement massif… et une mobilisation timide

Depuis des années, l’Allemagne est le principal partenaire technique et financier du Togo dans le domaine de la décentralisation. À travers la KfW, sa banque de développement, Berlin a injecté des dizaines de millions d’euros pour construire 60 nouvelles mairies, renforcer les capacités administratives des collectivités locales et accompagner la transition vers un État plus proche des citoyens.

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Mais cette ambition rencontre un mur : l’indifférence des électeurs. Dans plusieurs communes, notamment en zone urbaine, les bureaux de vote ont vu défiler moins de 20 % des inscrits. Une abstention massive qui interroge, surtout dans un pays où le pouvoir central a longtemps dominé tous les rouages de l’administration.

Derrière la courtoisie diplomatique, on perçoit une inquiétude : celle de financer des institutions dont la légitimité populaire reste fragile.

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Un partenariat profondément ancré

Malgré cette réserve, l’ambassadeur a tenu à rappeler la solidité historique des relations bilatérales. Depuis 65 ans, l’Allemagne et le Togo entretiennent des liens stables, nourris par une coopération technique exigeante et pragmatique. Et ces dernières années, le Togo est même devenu, par habitant, le plus grand bénéficiaire de l’aide allemande en Afrique de l’Ouest — un signe fort de confiance dans la trajectoire du pays.

Le partenariat germano-togolais repose sur cinq piliers stratégiques : le développement du secteur privé et la formation professionnelle, l’agriculture durable, la bonne gouvernance, la santé (notamment les droits sexuels et reproductifs), et la transition énergétique.

Actuellement, plus de 30 projets bilatéraux ou régionaux sont en cours, allant de la construction de centres de santé à la modernisation des filières agricoles. « Travaillons ensemble pour un avenir prometteur entre l’Allemagne et le Togo, mais aussi entre l’Europe et l’Afrique », a plaidé Claudius Fischbach, lançant un appel à la responsabilité partagée.

Message sérieux de Claudius Fischbach

La réception, organisée vendredi soir à la résidence de l’ambassadeur à Lomé, mêlait convivialité et symbolisme. Sur fond de musique traditionnelle togolaise et de mets fusion, des dignitaires comme Kossiwa Zinsou-Klassou, ministre de l’Action sociale, et Isaac Tchiakpe, ministre de l’Enseignement technique, ont salué les efforts de la coopération allemande.

Mais derrière les sourires et les toasts, l’événement a aussi été un moment de pression douce. L’Allemagne, attentive aux indicateurs de gouvernance, semble désormais exiger davantage qu’un bon usage des fonds : elle attend une véritable appropriation démocratique du changement.

Dans un continent où les partenaires internationaux sont de plus en plus confrontés à la question de la légitimité des régimes, Berlin choisit ici une voie subtile : celle du dialogue franc, sans rupture, mais sans complaisance. Le message est passé. Pour que les mairies neuves soient pleines de vie, il faut que les urnes le soient aussi.

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